Fin peut à la fois répondre aux questions de la clientèle et prendre les mesures qui s’imposent, comme l’annulation d’un paiement ou un remboursement, par exemple. Pourquoi ce produit nécessitait-il une approche tarifaire différente de celle de la plateforme principale de support client d’Intercom ?
O’Reilly : au départ, nous pensions aux modèles SaaS habituels, basés sur les licences ou l’usage. Mais Fin est fondamentalement différent. Il ne se contente pas de gérer des conversations, c’est un agent IA qui résout réellement les demandes de la clientèle. La valeur se mesure aux résultats obtenus, pas à l’activité. Cela nous a obligés à repenser le modèle de tarification pour l’aligner sur la valeur pour la clientèle.
Nous avons également procédé à ce changement pour protéger notre entreprise : un modèle basé sur les licences n’aurait pas été viable. L’accès à la plateforme Intercom est toujours facturé par licence. Cependant, Fin est fondamentalement différent. Si une entreprise compte 1 000 employés du support client et que Fin fonctionne aussi bien que nous le savons, ces 1 000 licences pourraient se réduire à 200 avec le temps. Les licences représenteraient donc une part moins importante de nos revenus, même si Fin apporte plus de valeur. En fin de compte, une approche fondée sur les licences aurait créé un déséquilibre entre la tarification et la valeur.
Quels autres modèles de tarification avez-vous envisagés ?
O’Reilly : nous voulions que la tarification de Fin s’ajoute à l’abonnement de la plateforme. Cela permettait de conserver le modèle SaaS de base tout en permettant de monétiser les services d’IA de manière innovante. Une fois le modèle basé sur les licences écarté, la tarification par conversation semblait naturelle. Mais au début de l’année 2023, lorsque nous avons lancé Fin, les utilisateurs hésitaient vraiment à l’idée de payer pour quelque chose qui pourrait ne pas fonctionner. À ce moment-là, peu avaient confiance dans la capacité des agents à vraiment bien répondre aux questions.
Lynch : avec une tarification par conversation, les discussions portent toujours sur le prix, et sur le fait de savoir jusqu’où on peut le baisser. Un défi similaire se pose avec la tarification par répercussion, où votre prix est établi en fonction du coût sous-jacent d’exécution du modèle d’IA. Vous devez déterminer quelle est la marge confortable à retirer et décider comment l’expliquer. Un modèle basé sur les résultats permet de supprimer, ou au moins de repousser, ce type de discussion.
Pourquoi avez-vous finalement choisi la tarification basée sur les résultats ?
Lynch : cette approche permet avant tout d’aligner notre tarification sur le succès des utilisateurs. Ils peuvent consulter ce que Fin a résolu, l’examiner et confirmer eux-mêmes la valeur obtenue.
O’Reilly : nos utilisateurs apprécient le fait que le modèle reflète vraiment la valeur. Ils ont souvent une bonne idée de leur coût humain par résolution et par rapport à cela, Fin offre une valeur incroyable.
La tarification établie sur les résultats a beaucoup aidé à renforcer la confiance des utilisateurs. Nous prenons maintenant une grande part du risque : si nous ne performons pas aussi bien que prévu, cela signifie moins de revenus pour nous.
De plus, l’ensemble de l’entreprise se concentre désormais sur l’amélioration des taux de résolution, car notre réussite dépend de celle de nos utilisateurs.
Avez-vous apporté des modifications au modèle de tarification de Fin depuis son lancement ?
O’Reilly : le principal défi de la tarification basée sur les résultats est qu’elle réduit la prévisibilité et le contrôle. Ce que les directeurs financiers apprécient dans la tarification par utilisateur, c’est qu’elle est relativement fixe : vous payez pour le nombre de personnes qui composent votre équipe. En revanche, avec la tarification basée sur les résultats, vous ne savez jamais exactement quel sera le volume de conversations, qui peut aussi fluctuer selon la saison, ni quel sera le taux de résolution, surtout pour un agent si récent.
Nous avons donc dû intégrer certains éléments dans notre tarification et nos mécanismes de mise sur le marché pour tenir compte de ces facteurs. En règle générale, dans le secteur, vous devez vous engager sur un nombre mensuel de résolutions. Par exemple, si votre volume de conversations augmente toujours en avril parce que vous êtes dans le secteur fiscal, vous auriez soit des dépassements ce mois-là, soit vous devriez souscrire au tarif d’avril pour toute l’année, payant ainsi pour des résolutions inutiles. Au lieu de cela, nous avons créé des crédits annuels. Les utilisateurs peuvent acheter un nombre déterminé de résolutions à utiliser librement pendant l’année, ce qui améliore considérablement la prévisibilité et la flexibilité.
Comment gérez-vous les dépassements éventuels ?
O’Reilly : c’est le deuxième changement que nous avons apporté. La norme dans le secteur, et ce que font la plupart de nos concurrents est d’encourager les utilisateurs à contracter autant que possible, puis de les pénaliser en cas de dépassement. Nous avons choisi de faire l’inverse et d’encourager les utilisateurs à profiter pleinement de Fin. Nous offrons des réductions à plusieurs types de clients, y compris les clients qui s’engagent d’emblée de manière significative avec Fin, les start-up en phase de démarrage et les clients des régions à faibles coûts. La réduction convenue dans le contrat reste valable même si le client dépasse le montant initialement prévu.
Nous avons également ajouté la réaffectation des dépenses. Nous avons constaté que les utilisateurs avaient sous-estimé la puissance de Fin : ils avaient contracté beaucoup de licences, mais peu de résolutions. Au bout de quelques mois, ils ont commencé à se rendre compte qu’ils n’avaient pas besoin d’autant d’humains qu’ils le pensaient, et qu’ils allaient beaucoup plus avoir besoin de Fin. Nous leur permettons donc maintenant de transférer ces dépenses des licences vers les résolutions.
Vous avez lancé Fin au moment où Intercom travaillait sur une migration massive de facturation vers Stripe. Comment avez-vous mené ces deux projets en même temps ?
Lynch : lorsque nous avons commencé à intégrer la plateforme Stripe Billing, la question de la tarification de Fin s’est posée presque en même temps que celle de l’évolution de Stripe vers la facturation à l’usage.
Nous commencions vraiment à nous intéresser à ce qui était essentiellement un produit à la consommation. Nous avons réalisé que ce serait pas mal de ne pas tout construire nous-mêmes, et qu’on pouvait s’appuyer sur Stripe Billing pour une partie du travail.
Prenons l’exemple des crédits annuels. Cette demande est arrivée très rapidement de la part de l’équipe Fin en novembre 2024. Nous étions très attentifs à la rapidité de mise sur le marché, car nous laissions des revenus sur la table. Grâce à la base fournie par Stripe, notre équipe d’ingénieurs a été en mesure de personnaliser le système et de le commercialiser rapidement. Nous étions prêts en février.
Comment pensez-vous que la tarification des agents et des fonctionnalités d’IA va évoluer à l’avenir ?
O’Reilly : je pense que nous assisterons à trois grands changements : une évolution vers une tarification davantage basée sur les résultats, une tarification différenciée selon les types d’agents, et la vérification des résolutions par l’IA. D’abord, on devrait s’éloigner de la tarification purement basée sur l’usage pour les agents IA. Au fur et à mesure que les entreprises prendront conscience du décalage entre l’usage et la valeur, elles expérimenteront des modèles hybrides qui s’alignent mieux sur les résultats des clients. Les entreprises qui continueront à facturer uniquement à la consommation de token dans deux ans seront des exceptions.
Pourquoi ? Parce que l’IA doit produire des résultats, pas seulement utiliser des ressources de calcul. À mesure que le marché mûrit et que la concurrence s’intensifie, les clients exigeront une tarification reflétant cette promesse.
Ensuite, nous verrons davantage de découplage des fonctionnalités des agents IA avec une tarification différenciée. L’approche du prix unique n’a pas de sens lorsque les différentes fonctionnalités offrent une valeur très différente. En support client, répondre à la question « Quelle est votre politique de remboursement ? » est fondamentalement différent de « Aidez-moi à déboguer cette intégration complexe ». Les entreprises avisées ajusteront les prix en conséquence, sans rendre le système trop compliqué.
Enfin, à mesure que l’IA devient plus intelligente, elle ne se contentera pas de produire des résultats, elle aidera à les vérifier. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur des règles de base pour savoir si une résolution a été « réussie ». Mais bientôt, l’IA elle-même évaluera la qualité de ses résultats : le client a-t-il réellement obtenu ce dont il avait besoin ? Le problème a-t-il été réellement résolu ou a-t-il dû relancer ?
Cela rendra la tarification basée sur les résultats encore plus crédibles, car il ne s’agira pas seulement de savoir si un problème semble résolu, mais s’il l’est réellement. Ce niveau de validation permettra de débloquer des modèles de tarification qui reflètent réellement la valeur.
La tarification au résultat a été un formidable levier de croissance pour nous. Elle aligne directement notre succès sur celui de nos clients et mobilise toute notre équipe pour obtenir des résultats. Stripe nous a offert la flexibilité nécessaire pour lancer ce modèle et pour l’optimiser rapidement. Cette agilité est cruciale pour garder un business model en phase avec l’évolution constante de nos produits.